Cachez vos enfants, qu'ils disaient...

              Reefer Madness est un film américain réalisé par Louis J. Gasnier, sorti en 1936. Propagande anti-cannabis, le film commandité par un groupe religieux est d’une durée de 1h30 de pur délire. Comédie non-intentionnelle, le film devint culte dans les années 1970 chez les militants de la légalisation du cannabis qui moquaient ainsi l'ordre moral dominant, et également grâce aux nombreuses projections de midnight movies. Alors que l’Amérique se remettait de la prohibition, le film mettait en scène des personnes faisant une série d'actes criminels à la suite de la consommation de cannabis, actes allant du délit de fuite au meurtre, à la tentative de viol et au basculement dans la folie. Ah, exagération, quand tu nous tiens !

Mais ce n’était pas qu’un hasard pieux. Une question de timing judicieux pour les commerçants & fabricants de tissus synthétiques, comme le nylon qui était alors en pleine expansion, qui voyaient en le chanvre (et accessoirement le cannabis) une menace potentielle au-delà de l’ordre moral, mais bien au niveau financier.

Revenons dans le temps : En août 1914, la Fondation Rockefeller, ardents défenseurs de la prohibition de l'alcool aux États-Unis, embauche Mackenzie King comme chef d'un service des relations industrielles nouvellement formé au sein de leur fondation. En cours de route, King côtoie de près John D. Rockefeller fils et les deux hommes en viennent à s'apprécier mutuellement et à s'admirer grandement. Sitôt revenu des États-Unis, Mackenzie King est devenu chef du parti Libéral du Canada en 1919, puis premier ministre en 1921. Le cannabis a été ajouté à la liste des substances interdites sous son mandat en 1923, sans que cela ne soit l'objet d'aucun débat parlementaire. John D. Rockefeller père, fondateur de la Standard Oil, aurait compris que le chanvre était le seul concurrent véritable au pétrole dont il contrôlait la presque totalité de la production aux États-Unis. Il n'était pas sans savoir aussi que la marijuana (à haute teneur en THC) était un compétiteur potentiel à tous ses investissements dans le domaine des médicaments de synthèse. Le rôle de cet homme d'affaires dans l'établissement de la prohibition du chanvre aux États-Unis serait bien connu. Il est donc fort probable que celui-ci ait influencé le comportement de Mackenzie King durant ses mandats de premier ministre du Canada.

Le chanvre était très utilisé dans l’alimentation, les fibres textiles ainsi que le papier. En temps de guerre, cette plante facile à cultiver et éco-responsable était même considérée comme une ressource essentielle, car elle permettait de produire des cordes et des voiles d’une résistance exceptionnelles. Cependant, tout a changé dans les années 1930 aux États-Unis. Le cannabis s’est retrouvé dans le collimateur des politiques, entrainant dans sa chute le chanvre. A posteriori, on pourrait comprendre que la confusion entre marijuana et chanvre a été intentionnellement pilotée par les leaders de l’industrie de l’époque, voulant voir d’autres matériaux, en particulier les plastiques, triompher à la place du chanvre. 

Aux Etats-Unis, Harry Anslinger, le chef du Bureau Fédéral contre les Narcotiques de l’époque avait d’ailleurs fait de la lutte contre le cannabis sa priorité, même si pourtant, la consommation de marijuana était loin d’être un enjeu de santé publique. L’histoire pourra montrer que M. Anslinger aurait été contrôlé et payé par de riches familles de l’industrie pétrochimique de la première moitié du XXème siècle. Dans sa croisade anti-pot, M. Anslinger réussit à faire voter le Marijuana tax Act en 1937. L’objectif était de taxer lourdement le chanvre pour le rendre peu compétitif et le faire doucement décliner, avec le résultat qu’on connaît aujourd’hui. Des films d’épouvante comme Reefer Madness, ont pu alors, tristement, servir d’instrument à une industrie bien plus grande que l’usage récréatif de la plante qu’on connaît. 

En 1942 par contre sort Hemp for Victory, un film produit par le Département d'Agriculture du gouvernement des États-Unis réalisé pendant la Seconde Guerre mondiale et sorti en 1942, qui explique les utilisations du chanvre et encourage les agriculteurs à le développer autant que possible, en raison du stress causé par la pénurie d’autres fibres industrielles, souvent importées d’outre-mer.. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la Marihuana Tax Act de 1937 a été brièvement interrompue afin de créer des cordes pour la marine américaine pour revenir à son statut illégal immédiatement après. Le film montrait une histoire du chanvre et des produits à base de chanvre; comment le cultiver et transformer en corde, tissus et autres produits.

Aujourd’hui, on redécouvre et popularise de plus en plus les multiples applications du chanvre ; alimentation santé, produits de beauté, fibre textile résistante et durable bien sûr (salut Abaka !), papier, isolation, et des milliers d’etcetera ! 

 

Un bout d’histoire… 

Le chanvre est utilisé depuis des milliers d’années, la Chine du temps de l’empereur Shen Nung aurait commencé à produire du textile vingt huit siècles avant notre ère. Le chanvre aurait été importé en Europe environ mille cinq cents ans avant Jésus-Christ. C’est en Gaule en 270 avant Jésus-Christ, dans la vallée du Rhône, que l’on trouve la première preuve historique d’une culture du chanvre en Europe. Au cours du Moyen Âge, le chanvre se répand dans l’Europe entière. Charlemagne ordonne partout la plantation de canava. Les Wisigoths et les Ostrogoths migrent vers l’Ouest de l’Europe, ces descendants des Scythes conservent certains rites de leurs ancêtres et notamment ceux qui lient le chanvre au culte des morts. Pendant des siècles des mannequins en chanvre à figure humaine sont brûlés dans les feux de Carnaval. Ce mannequin symbolise l’éternel retour de la vie, comme le chanvre qui meurt et renaît chaque année. De longs siècles après la disparition des Scythes le chanvre reste lié au culte des morts en Europe Centrale. Les siècles passent et les rituels se perdent.

 

Karine au Musée…

Cet été, Karine notre designer a visité le Musée du Chanvre & du hachich à Barcelone. Le musée revisite l’importance du chanvre dans l’histoire, la culture, les arts, ses apports en médecine, en botanique et dans l’industrie moderne.

 

 

 

 

 

 

Le chanvriez-vous ?

  • Le chanvre appartient à la même famille de cannabis sativa que la marijuana. La différence fondamentale entre le chanvre utile et la marijuana récréative est le niveau de THC (l'élément qui fait buzzer). C'est seulement 1% dans le chanvre et environ 20% dans le pot. Une migraine, c'est tout ce que vous aurez si vous essayez de fumer du chanvre pour vous défoncer !
  • En 1820, 80% de tous les textiles, tissus et vêtements étaient fabriqués à partir de chanvre. Quelques peintures anciennes de Vincent Van Gogh ont été réalisées sur une toile de chanvre, et aussi les premières Bibles, le drapeau Américain de Betsy Ross, des cartes, des diagrammes et les premiers projets de la Constitution Américaine ont été fabriqués à partir de chanvre. #weaveweedeveryday
  • Au contraire du chanvre, pour cultiver le coton (non-biologique), une quantité importante de pesticides est nécessaire pour le protéger des insectes, des maladies et des mauvaises herbes. Environ 50% du total des pesticides utilisés aux États-Unis sont utilisés dans la culture du coton.
  • Légalisé au Canada 1998 à la grandeur du pays, le chanvre est encore illégal dans plusieurs états américains à ce jour.

 

Sources : Newsweed, Blocpot, Norml, Madeinchanvre, Wikipedia, CannabisCulture, BlogMaison, Fyllde, OhFact. Crédit photo affiche Reefer Madness, Hemp for Victory

 

 

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