david goudreault

Entrevue avec David Goudreault, un géant aux strophes agiles

david goudreaultCrédit davidgoudreault.org

 Par Cristina Moscini

 

Fort de plusieurs efforts littéraires dont les plus récents maintes fois récompensés, recommandés et bien assis dans les tops des palmarès de ventes de livres québécois, David Goudreault passe le reste de son temps d’auteur sur scène où il performe à guichets fermés et à répétition partout en province avec son slam-poésie bien unique à lui. C’est justement à travers l’une de ses cartes-blanches d’invité à l’émission radio-canadienne Plus on est de fous plus on lit où il fera rimer bobettes Abaka avec écoresponsabilité [extrait ici] qu’on a décidé de contacter l’auteur pour une association exclusive et #écoconfortable. Rencontre avec un géant aux pieds de strophes agiles.

David Goudreault en impose. Si sur scène du fond de la salle, on peut s’imaginer enlignés de haut ses six pieds et quelques pouces, quand on suit de près les causes qu’il soutient jour à jour (Aide tes libraires, Mouvement Santé mentale Québec, dans ses slams en hommage aux travailleurs essentiels en climat de pandémie sur La Presse, et dans bien d’autres collaborations spontanées), on a l’impression d'avoir affaire à un nouveau titan sur-impliqué. Un Atlas poétique et pas moins. Éperdument engagé, chevalier du mot, d’une liberté d’expression articulée, décomplexée et parfois subversive (si on pense au choix des héros de ses romans La Bête et Ta mort à moi), il vit et s’exprime fort à la hauteur de cet artiste qu’il est, chéri des critiques, et dont les briques dorment sur les tables de chevet d’entre autres Guy A. Lepage et du premier ministre François Legault.

Abaka devait rencontrer Goudreault en mars dernier au Salon du livre de Trois-Rivières, d’où il est natif. À cause de la pandémie Covid-19, l’événement, comme bien d’autres, a été annulé. Entrevue, donc, socialement distanciée par internet !

Il y a quelques mois, ça avait fait manchette qu’une école avait décidé de mettre au recyclage une œuvre de Félix Leclerc, parce qu’on l’a jugée inappropriée pour les élèves. Sur cette idée de #ReduceReuseRecycle, mais d’un angle plus positif :  

Réduire: Malgré le mince espace médiatique qu’il reçoit globalement, à quoi accordons-nous trop d’importance dans le grand domaine de la culture ? 

DG.: "On n'accorde jamais trop de place à la culture, peu importe sa manifestation et son médium; du macramé à la poésie contemporaine en passant par la grosse chanson pop, la culture nous construit, nous protège et nous édifie." 

Réutilise: Quelles œuvres classiques méritent d’être relues ou mises de l’avant par les temps que nous vivons ?

DG.: "L'amour au temps du choléra et La peste, c'est le cliché de circonstance. Je recommande plutôt n'importe quel livre québécois dont l'auteur/autrice vit encore. La chaîne du livre est fragile, tout achat ou don qui permet à notre littérature de survivre et s'épanouir est bienvenu. #AideTesLibraires"

Recycle: Quels livres récents qui t’ont marqué conseillerais-tu ou prêterais-tu volontiers à des lecteurs ?

DG.: "Mmmh, tout François Blais, Hélène Dorion, Yves Boisvert, Naomi Fontaine, Kim Thuy et Patrice Desbiens, pour commencer." 

Des reports & départs...

Initialement, l'auteur-poète-slammeur devait terminer et conclure les spectacles de sa troisième année de tournée d'Au bout de ta langue en décembre 2020 pour se concentrer à l'écriture d'un nouveau recueil. Comme tout le monde, les plans que nous avions pour l'année sont reportés à des dates ultérieures non-définies... 

Maintenant que l'agenda de la société s'est clairé, David Goudreault n'accuse pas trop de temps libres : L'occasion est belle de travailler ce recueil de poésie à paraître en 2021. Et aussi travailler sur un nouvel album, destiné à l'écoute en ligne. Puisqu'il reste encore moult cordes à son arc, le polyvalent artisan du mot a récemment été aussi parolier pour Florence K, Jipé Dalpé, Luce Dufault, et Louis-Jean Cormier entre autres. Ce sera prochainement ses mots, et sa voix, publiés de façon indépendante qu'on pourra entendre, avec un mélange des genres pour son quatrième opus musical. Encore amer de la façon dont son dernier album fut produit hors de son contrôle, l'artiste prend maintenant toutes les libertés, risques et pouvoirs pour s'assurer d'une diffusion plus en lien avec sa vision, de son produit peaufiné. Un processus bien en harmonie dans cette ère de confectionnisme ou de Do it yourself !

En plus de près de six mois de spectacles annulés, c'est aussi malheureusement le report de la Grande Nuit de la Poésie de Saint-Venant-de-Paquette en Estrie, qu'on attendra maintenant pour août 2021. Un festival biennal où il s'implique joyeusement à la direction artistique. Qu'est-ce que c'est, cette grande nuit ?

DG.: "Plusieurs événements ont dans les dernières années pris le nom de "nuit de la poésie" sans nécessairement le faire au complet, pour le vrai. Nous, ça commence tôt et ça va jusqu'au lendemain matin !"

En effet, si on regarde les dernières éditions, plus de mille personnes ont assisté à la soixantaine d'événements & spectacles qui sont présentés gratuitement. Dans ce festival, on vise le mélange des genres, de Manu Militari à Normand Baillargeon, de Joséphine Bacon à Yann Perreau, de Richard Séguin à Luce Dufault, en passant par les karaokés de poésie, les slams, les micros ouverts, conférences & ateliers.

DG.: "Le but est de rendre ça accessible. Poétique mais pas plate. De pouvoir réussir à intégrer la poésie dans la vie des gens, comme elle fut salvatrice pour moi. Rendre la poésie plus intéressante au plus grand nombre sans la dévergonder, la prostituer, la niveler par le bas."

Un petit gars de chez nous...

Bien que maintenant établi à Sherbrooke depuis près de vingt ans, l'auteur est né à Trois-Rivières, Capitale de la poésie. Ce serait complètement fou de ne pas le souligner, et en bons mauriciens, de vouloir un peu se l'approprier. L'auteur retient une savoureuse anecdote de son passé de jeune bum où ses travaux communautaires l'obligèrent à nettoyer ses graffitis sur la rue Des Forges. Maintenant, douce ironie, si on passe sur la rue Des Forges, c'est vissé au mur qu'on peut lire un de ses poèmes près du bord du fleuve, voisin de celui de son collègue comme il l'appelle, le poète Jean-Paul Daoust.

Aide tes libraires, et tes librairies t'aideront....

Entre le moment où Abaka avait contacté David pour concevoir un design de t-shirt et la production de celui-ci, il s'est passé une pandémie. On a communément décidé de se réorienter le tir, et nous avons proposé à David de remettre les profits de la vente des articles au design commun à la cause de son choix. Son choix s'est arrêté sur le projet Aide tes libraires :

DG.: "Ce moment présent d'introspection forcée rejoint le monde, ça brasse les valeurs. Les gens ont cette envie d'être plus consciencieux, de se rapprocher de la nature en quelques façons. Et ça se passe par ce qu'on écoute, ce qu'on lit, ce qu'on porte. Quand on va se retrouver [après la crise], ce désir de rencontre avec l'autre sera plus inspiré, plus apprécié, réhabité."

Et d'où lui est venue l'idée pour ce design ? 

DG.: "Pour moi, ce concept est un hommage à la littérature québécoise; elle nous tend vers le haut, nous permet de revendiquer et faire résonner nos voix dans l'espace public tout en nous enracinant à notre territoire, notre histoire et nous-même. La littérature est un cri introspectif, qui est entendu lorsque porté et diffusé par des libraires, d'où l'intérêt de leur remettre les profits et de les épauler dans cette crise." 

 david goudreault abaka

Pour chaque article Abaka x David Goudreault vendu, 10$ sera remis à la campagne Aide tes libraires*. Vous pouvez également donner directement à la campagne via leur GoFundMe. [*La campagne « Aide tes libraires » a été créée afin de donner un coup de pouce supplémentaire à nos libraires indépendants. Les dons recueillis seront répartis équitablement à toutes les librairies indépendantes qui font partie de l’ALQ (l’Association des librairies du Québec), ainsi qu’à toutes celles qui ne font pas partie de l’ALQ et qui veulent se joindre à la liste du GoFundMe « Aide tes libraires ». C’est une façon simple et directe d’aider nos librairies québécoises, moteur industrie. Pour soutenir et protéger ce contact précieux qu’a le public avec le livre : les librairies.


En attendant Goudro, comme dirait Beckett, on peut le suivre sur Instagram où il participe au #covidpoème, et en se procurant son dernier livre, finaliste au Prix littéraire France-Québec 2020, Ta mort à moi.

 

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